Le travail d'Aram Junghian, malgré sa diversité, s'élabore selon un processus méthodique.
Il commence par le support. Il le choisit dans les pages des revues ou le prépare lui-même.
De cette préparation, naît sa première œuvre; il peint toute la surface du support, de bout en bout, souvent avec un motif ou un paysage rendus abstraits par agrandissement, et évite de résoudre le cadrage ou la hiérarchisation du tableau.
Grâce à ce traitement égal de la surface, il réussit à ne pas obtenir prématurément un résultat fini.
Sur ce premier travail, Aram pose alors un second regard. Il superpose à la première couche, une seconde bien délimitée et constituée de rangs serrés de fines hachures répétées.
Cette surimpression porte plusieurs significations. Au premier abord, elle apparaît comme une trace, une marque laissée par un viseur (un regard) dirigé sur la toile. Elle indique la direction du regard et donne un centre à l'œuvre. En plus de recentrer, elle ajoute au tableau un rythme qui de par sa régularité entre en résonance avec celui, plus espacé, du support. La confrontation des échelles entre l'agrandissement et la miniaturisation du sceau fait partie du dialogue qui se crée entre les couches superposées de l'œuvre.
Ce sceau répétitif qui s'imprime sur la première peinture apparaît alors évidemment comme une signature; celle du regard de l'auteur introduit dans son propre travail.
Il est aussi lu comme un masque, une sorte de filtre transparent qui vient cacher une partie du travail pour la souligner, pour mieux la montrer et qui donne au résultat final sa profondeur.
Surimpression, Superposition, Echelle, Transparence, Hybri-dation, sont les thèmes récurrents du travail d'Aram Junghian. Les questions posées par son travail et auxquelles il s'efforce de répondre sont les mêmes que se posent les philosophes, les écrivains, les architectes et les scientifiques des années 90 pour tenter de donner forme à notre univers de demain.
K.B.
1996