Edgard Mazigi

March 05, 2008 to March 29, 2008
Solo
Galerie Janine Rubeiz

Edgard Mazigi

La mécanique des nuages

Il aimait l'ordonnancement prémédité de scènes savamment mises en place avant d'être reproduites avec la précision et le réalisme revu et corrigé d'un peintre à la solide formation classique. Il aimait la puissante structuration, entre ombres et lumières, d'un dessin au fusain qui laisse peu de place à l'hésitation.

Voici que, sans crier gare, il rompt les amarres et se lance sur les chemins du vent, du souffle intérieur, à l'instar des nuages qui moutonnent sur ses nouvelles toiles. Identités plurielles, on ne sait d'où ils viennent, où ils vont. Ils errent, protéiformes, en perpétuelle métamorphose, vers leurs aléatoires destinations.

Lâchant la proie pour l'ombre, le certain pour l'incertain, le connu pour l'inconnu, Mazigi opte pour les chemins qui ne mènent nulle part à travers la forêt des apparences, chemins de traverse qui, par glissements progressifs du plaisir de peindre, finissent, vaille que vaille, par le conduire inéluctablement vers une clairière : l'éclaircie de l'œuvre achevée-inachevée. Avant, il savait quand et où poser la touche finale. Maintenant, il doit se fier à son flair : les touches, groupées d'abord sans intention précise, interagissent, suggèrent des formes qui en suggèrent d'autres. La toile se fait d'elle-même, assistée par le peintre qui en est l'accoucheur plutôt que le géniteur, étonné du résultat qu'il n'a pas prévu, heureux d'avoir fait confiance aux obscurs pouvoirs de l'intuition. L'image finale se dévoile plutôt qu'elle n'est dévoilée.

Peinture intuitive donc et toute en frémissements énergétiques issus de ce fonds de mémoire, de culture emmagasinée, d'expériences personnelles, de pulsions inconscientes qui, toujours, manque le moins, bien qu'on ne découvre les trésors qu'il recèle qu'après l'avoir fouillé et refouillé. L'entreprise de peindre revient ici à se risquer sur un terrain scabreux où l'on trébuche d'approximations en approximations, de coup de brosse en coup de spatule, pour se redresser et trébucher encore, tombant sept fois pour se relever huit.

La huitième est la bonne : c'est l'image telle que d'elle-même elle vient faire sens en prenant figure, par surcroît en quelque sorte, coup de dés disposé par le hasard et la nécessité sur l'échiquier de la vie et de l'art. Ici, la peinture n'est plus abordée de l'extérieur comme un obiet transcendant, mais sourd de l'intérieur comme un processus immanent.

Avec ses couches multiples, décalées, gardant la trace des repentirs et des repeints, des affres de sa formation, la toile reste ouverte, dynamique, sensuelle, mystérieuse, indéterminée. Loin de s'imposer comme un jardin clos, elle s'ouvre sur un horizon sans autre limite que la capacité de contempler, de rêver, d'interroger, de se laisser porter par la même mécanique des nuages et les mêmes énergies souterraines qui l'ont mise au jour.

Joseph Tarrab

 

 

 

I begin my work without having any preliminary image in mind. This approach stems from my wish to explore how a series of brushstrokes is able to convey past experiences, inner feelings, a state of mind. By combining the emotion that images in figurative painting trigger, with the expression of a more impulsive abstract art, I strive to intensify painting's magical power of expressing deep emotions without letting these be too literal and obvious.

Edgard Mazigi