Maraud'Art
Je peins à la maraude. J'assemble à la maraude. Je construis à la maraude. Et je réfléchis à la maraude.
Je suis un maraudeur. Un marcheur solitaire affamé et insatiable. Mon champ de vision est l'instant présent écrasé par la charge des souvenirs. Allégé par la frivolité des matériaux, je suis un ogre de l'usé.
J'assouvis ma quête avec ce que je trouve. Et quand quelque « truc » me rencontre et me fixe dans les yeux, je le saisis, je le brutalise et le caresse. Je l'interroge comme un accusé. Je l'invite à sa destinée. Lui offre un cadre à sa perdition.
Du tissu, du bois, des cailloux. Des poils, des cheveux, des griffures. Un monde se crée et se «décrée». Nouvelle vie aux matériaux sans vie.
Je suis un maraudeur de l'art. Je dévore les instants délaissés dans les restes du vécu. Les damnés de la fonctionnalité. Les parias du bon sens.
Je prends mes poils blancs comme une grimace contre le temps. Une lumière de sarcasmes au goût amusé du condamné.
Je construis avec des éléments usés, ce monde invisible mais déterminant de l'existence.
Je réveille les monstres qui ne cessent de ronger notre essence et les dompte. De la terre écrasée par mille sabots. Des cailloux flirtés par d'autres choses que le soleil. Des chaussures éculées par les rencontres. Et les séparations.
Je laisse les surfaces propres aux sages du bon sens. Les harmonies délicieuses aux drogués des salons. Les bonnes règles aux bons chics. Et je prends mon râteau et un sac sur l'épaule gauche et m'éclipse devant tous les adroits de la règle.
Pour Nietzsche : « L'état qui engendre la règle est différent de celui que la règle engendre ».
Et moi, je me pose toujours cette question : Qu'as-tu fait durant ta vie ?
* Je suis resté vivant.
- Pourquoi faire ?
* Pour empêcher les morts de continuer de mourir. Je suis un maraudart.
Bourgély