Lamia Joreige

March 03, 1999 to March 25, 1999
Solo
Galerie Janine Rubeiz

Lamia Joreige

Elle doit savoir les tableaux vivants, et les siens d'abord.

Secret lourd à porter, sourde angoisse, qui rendent irrésistible l'appel de la matière en mouvement où le choix n'est plus donné que de faire de cet attrait un des motifs de l'œuvre. Alors on ne fera plus le tableau qu'en travaillant sur la mémoire du tableau, on n'envisagera plus l'ensemble qu'à partir du détail et de son évolution.

Car enfin, voilà des toiles qui parfois partent d'un même point pour l'accompagner le plus loin dans ses mutations. Il arrive même que ce qui est donné à regarder n'est autre qu'un détail agrandi, qui aurait perdu le bon sens, celui de ses propres proportions, et qui aurait renié ses origines, ces tableaux dont aujourd'hui il ne reste rien. De ces travaux disparus et perdus et-presque-oubliés, il ne nous vient que la trace, une partie devenue tout.

Et voilà d'autres toiles qui regroupent des partitions, variations autour d'un même thème au fil desquelles, d'un stade de développement l'autre, ce sont autant de réseaux intimes qui se créent. Ici, on ne fait pas vraiment la part dans le combat que l'artiste livre à lui-même et aux éléments, des correspondances qui surgissent accidentellement et des autres, également nées de son désir mais autrement élaborées.

Ailleurs, le champ offert acquiert une nouvelle profondeur, bien plus visuelle et cérébrale que celle que donnerait la matière.

A la faveur de ce jeu de cache - cache avec la mesure et avec le petit, il ya un véritable arraisonnement de la matière, un déraisonnement de la mémoire.

Et c'est très précisement dans cette opération-là qu'a lieu le véritable transfert, plus alchimique qu'analytique, plus lyrique que retenu, plus adventice que programmé, acte créateur puisque le voilà qui donne vie à la matière, acte fécond puisque le voilà qui donne matière à vivre.

A. Karam