"Il faut bien commencer quelque part" serions-nous tentés de dire face à une œuvre de Laure Ghorayeb.
Au premier contact, l'œil englobe le dessin qui, dans tout ce qu'il a de figuratif, semble d'un accès facile. Cette impression de naïveté cède rapidement la place à un sentiment d'égarement à mesure que nous découvrons les détails du tracé tortueux de l'artiste. Le regard est assailli par un immense brouillon à déchiffrer sans la compréhension de ces détails.
En focalisant de plus en plus, nous arrivons à isoler l'élément de base de toute l'œuvre: la ligne. Pourtant il ne s'agit pas de géométrie, mais d'une succession de traits qui, au hasard de l'humeur de l'artiste, prennent tour à tour la forme d'un motif, d'un mot ou d'une phrase. L'intuition est en effet le moteur de l'inspiration de Laure Ghorayeb. Reprenant à son compte la théorie de l'accident émise par Francis Bacon, elle crée une peinture de l'instant où rien n'est esquissé, tout est improvisé.
Les lignes qui semblent toutes issues d'un même point, s'enchevêtrent dans un tourbillon de motifs abstraits qui, par leur multitude créent un regroupement de figures humaines, animales ou monstrueuses. Ici, tout est lié, les personnages émergent des décors qu'ils ont eux-mêmes générés. L'ensemble forme un monde harmonieux bien que d'apparence chaotique, qui donne tout son sens au thème de l'exposition: A Contre-Courant.
Au fil des lignes nous découvrons dans les dessins de Laure Ghorayeb ce style particulier et envoûtant qu'elle n'a cessé de perfectionner depuis cinquante ans.
La ligne droite est le chemin le plus court pour relier un point à un autre, nous apprend-on. Laure Ghorayeb ne semble pas pressée.
Mazen Kerbaj
Avril 2001