Une forme quasi héraldique*

…Modestie qui a dicté le format même des toiles carrées de Mouna Bassili Sehnaoui, 40 × 40 ou 50 × 50 cm, et le choix du médium.

Elle aurait pu choisir la facilité, l'acrylique. Elle a choisi le travail plus astreignant, plus exigeant de la peinture à l'huile, sans pour autant céder aux sollicitations de la matière. Sa démarche reprend, en plus elliptique, plus succinct, plus synthétique, l'allure de chaque spécimen. Elle élimine les accidents, le superflu, se concentre sur une forme quasi héraldique. Elle minimise le nombre des coups de pinceau nécessaires pour la délimiter et des couleurs posées en aplats, sans touches voyantes même si elles ne sont pas escamotées. Parfois trois ou quatre couleurs suffisent. Une couleur pour l'espace, une couleur pour le contour de l'oiseau centré, comme s'il s'agissait d'un portrait, une couleur pour la tête, le corps, les ailes, la queue.

Parfois, une seule couleur pour l'espace et l'oiseau et une autre pour le profil. Même quand elle les multiplie, comme dans la série Rainbow, les couleurs n'ont droit qu'à la portion congrue, restant confinées sur les rubans, sans déborder.

Tout est sobre, net, bidimensionnel, réduit à sa plus simple expression.

 

Quand elle joue sur des variations (Free Thinker et Breaking Loose), elle va vers les tonalités grises ou terreuses.

Même quand elle ajoute d'autres motifs, un cyprès, des aiguières, les oiseaux n'en tiennent pas compte, ils s'y superposent sans complexe et sans effet de perspective. Seuls les derviches tourneurs ont droit à quelque chose comme un semblant de perspective et à un mouvement de la matière picturale. Leurs mains ont la forme d'oiseaux stylisés, puisque eux aussi relient, à leur façon, le ciel et la terre.

 

 Joseph Tarrab

*Extrait du livre : Le Cinquième Jour : Entre Ciel et Terre

Edité par Dar An Nahar, qui paraîtra au printemps 2008