...La peinture est une spirale perpétuelle entre création et perception: une perception créatrice engendre une nouvelle perception créatrice qui, derechef, engendre une création perceptive. Ce jeu de réciprocité s'arrête quand la toile est achevée pour redémarrer aussitôt qu'elle est livrée à la sensibilité réceptive du spectateur.

Par peinture, j'entends ici celle de Rana Raouda: voyez comment ses formes-couleurs s'étalent et s'étagent couche plus foncée sur couche plus claire, comment une première strate en appelle une seconde qui en appelle une troisième, comment les configurations ascendantes et descendantes s'aimantent dans une attraction à distance, comment les valeurs et les saturations différentielles des touches produisent une vivante tension au sein de la même teinte, comment la lumière émerge et se diffuse du tréfonds vers la surface, des plans transparents sous-jacents vers les plans opaques, comment elle cerne des plages irrégulières ou se laisse piéger dans des fenêtres qui exaltent son intensité....

Joseph Tarrab